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Il nous faut des traducteurs aux points d’échange Internet

Le monde commence à manquer d'adresses IPv4, et avec le faible taux d'adoption du protocole IPv6, les traducteurs aux points d'échange Internet constituent une solution viable.
Par Jacques Latour
Dirigeant principal des technologies

Le monde commence à manquer d’adresses IPv4, et avec le faible taux d’adoption du protocole IPv6, les traducteurs aux points d’échange Internet constituent une solution viable.

La technologie évolue constamment… et les vieilles technologies prennent inévitablement le chemin des rebuts. Que faire alors d’une technologie en fin de vie, mais encore fortement utilisée ? La réponse doit venir d’approches novatrices, comme d’ajouter des traducteurs IPv6 vers IPv4 aux points d’échange Internet (PEI).

Mais d’abord, permettez-moi de prendre un peu de recul. Pour ceux qui ne le sauraient pas, nous allons bientôt manquer d’adresses IPv4. Il s’agit là des adresses à plusieurs chiffres allouées à tous les appareils connectés à l’Internet. Ces adresses devront être remplacées par des IPv6, lesquelles fournissent un nombre apparemment infini d’identifiants et sont ainsi susceptibles de satisfaire notre appétit croissant pour la connectivité à l’Internet. Wikipédia nous offre une bonne explication du manque d’adresses IPv4 à venir.

Six ans après le lancement mondial d’IPv6, nous avons fait des progrès au Canada récemment, puisque nous approchons maintenant d’un taux d’adoption de 20 %. Mais nous avons encore beaucoup à faire : il reste l’autre 80 %.

Chez les fournisseurs de service Internet (FSI), l’innovation a ralenti de manière significative au cours des dernières années. Bien des gens craignent de se lancer dans ce domaine ou de défier le statu quo de peur que ce soit trop difficile ou que le risque soit trop élevé. Je suis certaine qu’il existe de nombreuses autres raisons à cela, mais l’une des principales est le coût des adresses IPv4.

Les nouveaux FSI font actuellement face à des frais de mise en marche de 20 $ à 25 $, ce qui est très élevé. Les adresses IPv4 devraient être plus abordables, plus de FSI devraient adopter IPv6 et l’innovation devrait être en croissance au Canada. Au lieu de cela, le coût des adresses IPv4 est plus élevé que jamais, tandis qu’IPv6 ne comporte pas de frais additionnels.

Si les FSI n’utilisaient que IPv6 sur leurs réseaux, ils pourraient quand même rejoindre tout l’Internet IPv4 au moyen de traducteurs.

Pendant longtemps, on a vu IPv6 comme le futur, mais il s’agit maintenant de la réalité actuelle, et plus de 20 % des Canadiens ont déjà adopté cette nouvelle technologie. Le protocole IPv6 est le successeur d’IPv4 ; il est né de la nécessité d’obtenir plus d’adresses IP pour augmenter la quantité actuellement disponible. Comment pouvons-nous promouvoir un écosystème Internet qui supporte à la fois IPv4 et IPv6 ? La réponse, ce sont les traducteurs IPv6 vers IPv4. Sur le plan conceptuel, la traduction signifie qu’un réseau construit en utilisant IPv6 peut être traduit de façon ponctuelle lorsqu’il a besoin d’accéder à de l’information en IPv4.

Je crois que pour bâtir un meilleur Canada en ligne, il faut trouver des solutions adaptables et qui fonctionneront dans l’avenir. Le fait de payer plus tandis que nous dépassons les limites de IPv4 ne satisfait pas ces critères. Ce que je souhaite pour l’Internet canadien, c’est que les points d’échange Internet (PEI) à travers le pays soient connectés à des traducteurs IPv6 vers IPv4.

Bien entendu, j’entends déjà les sceptiques s’exclamer : « Mais non, c’est impossible ! ».

Or, les possibilités existent, et les FSI canadiens doivent agir.

Bien que les nouveaux FSI qui font leur entrée sur le marché ne peuvent se voir attribuer d’adresses IPv4 pour leurs réseaux, le American Registry for Internet Numbers (ARIN) possède une certaine quantité d’adresses IPv4 vouées à la traduction IPv6 vers IPv4. Cela signifie qu’un FSI peut obtenir du transit en IPv6 seulement afin de supporter la majorité du trafic sur les sites Web qui utilisent IPv6, comme Netflix, Facebook, Google, YouTube, Instagram et d’autres. Les traducteurs IPv6 vers IPv4 connectés aux PEI peuvent alors être configurés de manière à ce qu’un FSI puisse traduire le trafic en utilisant les adresses IPv4 sortantes qui lui sont assignées.

L’Internet Engineering Task Force (IETF) a publié plusieurs mécanismes de transition pour soutenir la migration de IPv4 vers IPv6. Le premier fut NAT64, suivi par Dual-stack Lite, 464xlat et plus récemment MAP-T, qui utilise la traduction, ainsi que MAP-E, qui utilise l’encapsulation. Ces récents efforts présentent l’avantage d’échelle de ne pas dépendre d’un état et d’être utilisés par des réseaux à travers le pays. Vous pouvez en apprendre plus sur cette technologie ici.

Compte tenu de toutes ces informations, il n’y a que peu de raisons, sinon aucune, pour que les FSI canadiens ne soutiennent pas l’un des mécanismes de transition de l’IETF. Retevia, une organisation basée aux É.-U., fournit des traducteurs comme service dans le cadre d’une solution économique pour déplacer le trafic vers IPv6. À mon avis, nous pourrions établir un partenariat avec une organisation semblable pour offrir ce service aux FSI canadiens via les PEI.

La demande serait peut-être faible pour commencer, mais avec le temps, il pourrait s’agir d’une bonne façon de faire croître IPv6, de réduire les coûts de fonctionnement et de faciliter la migration de IPv4 vers IPv6. Oui, quelqu’un devra éventuellement payer pour tout cela, mais cette question devra être abordée séparément.

Qu’en pensez-vous ?

À propos de l’auteur
Jacques Latour

En tant qu’expert de la conception de solutions de pointe en matière de TI, Jacques a établi CIRA à titre de leader mondial parmi les registres de domaines (ccTLD). Il possède plus de 25 ans d’expérience dans les secteurs privé et sans but lucratif et, à titre de dirigeant principal des technologies à CIRA, il dirige actuellement les Labos, plaque tournante de l’innovation à CIRA, et assure le leadership et la direction de la gestion et de la sécurité du registre .CA et de son DNS sous-jacent.

Visionnaire de la communauté d’Internet, Jacques a dirigé l’élaboration du test de performance Internet de CIRA, est un ardent défenseur de l’adoption de l’IPv6 et représente le registre .CA sur le plan international en qualité de membre de divers groupes de travail et groupes consultatifs. Il participe à l’élaboration d’une nouvelle architecture canadienne d’Internet. Il a agi comme catalyseur pour la création d’une association nationale canadienne des IXP, CA-IX, et il siège au conseil d’administration du Manitoba Internet Exchange (MBIX) et du DNS-OARC. Jacques siège aussi au comité consultatif pour la sécurité et la stabilité de l’ICANN.

Jacques est diplômé à titre de technologue en génie électronique après des études au Collègue Algonquin. Il a également suivi avec succès les formations certifiantes ITIL (v3) Foundation et Agile ScrumMaster.

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