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Imaginez un PEI dans le nord du Canada

Un PEI dans l'Arctique pourrait changer la vie des personnes habitant dans des communautés isolées. Si l'objectif est un meilleur Canada en ligne – et ce devrait l'être – le jeu en vaut définitivement la chandelle.
Par Jacques Latour
Dirigeant principal des technologies

Un PEI dans l’Arctique pourrait changer la vie des personnes habitant dans des communautés isolées. Si l’objectif est un meilleur Canada en ligne – et ce devrait l’être – le jeu en vaut définitivement la chandelle.

Nous utilisons l’Internet pour de nombreuses raisons – pour le travail, pour le plaisir, pour apprendre ou pour avoir accès à des services. Par exemple, on peut aller en ligne pour renouveler son permis de conduire, sa carte d’assurance-maladie provinciale ou une autre carte d’identité gouvernementale. Que vous fassiez votre renouvellement en ligne directement ou que vous visitiez un site Web pour savoir comment effectuer le renouvellement, c’est rapide et facile – tout est réglé en quelques minutes. Malheureusement, ce n’est pas aussi rapide et facile dans le Nord canadien.

Si vous habitez à Iqaluit, par exemple, vous ouvrez votre navigateur, vous saisissez l’adresse du site Web et vous attendez. Ensuite, le site Web est trouvé et commence à se charger. Et l’attente se poursuit. En fait, chaque élément de ce site Web – les publicités, le contenu, les images, les vidéos – prend plus d’une seconde à se charger individuellement. Plus l’attente est longue, plus les coûts sont élevés. Et il ne s’agit que d’un seul site Web. Imaginez que cette situation est votre quotidien. Et si vous devez effectuer un important téléchargement, comme une mise à jour de sécurité sur un logiciel? Cela représente beaucoup de temps et d’argent.

Je crois qu’il y a une solution – un point d’échange Internet (PEI) canadien.

Pourquoi doit-on attendre?

Avant d’examiner les solutions, rappelons le contexte. Pourquoi l’Internet fonctionne-t-il de cette façon dans le nord du Canada? Parce qu’il n’y a pas d’Internet dans l’Arctique. Il y a des utilisateurs d’Internet, mais pas d’infrastructure. L’Internet est un réseau constitué de réseaux, mais il n’y a pas de réseau local dans certaines collectivités du nord. Les FAI et les fournisseurs de services mobiles locaux ne sont pas connectés et les collectivités se branchent au monde numérique par satellite.

Si une personne envoie un courriel, même à son voisin, la communication passe par le fournisseur d’accès Internet (FAI) ou de services mobiles, ensuite par un satellite, pour être dirigée à un autre endroit (habituellement aux États-Unis), retourner au satellite, et envoyée au FAI du voisin et à son ordinateur. C’est un voyage complexe.

C’est lent. C’est long. C’est coûteux. Une solution est requise.

Amener l’Internet dans le nord du Canada

Un point d’échange Internet (PEI) est un lieu de rencontre où des réseaux indépendants comme des fournisseurs de contenu et de services locaux peuvent se connecter directement les uns aux autres. Un PEI représente une excellente occasion d’amener l’Internet dans l’Arctique, dans des endroits où une seule option lente, coûteuse et lourde est offerte. Un PEI fournit un point de connexion afin que les FAI, fournisseurs de services mobiles et fournisseurs de contenu locaux puissent échanger entre eux. Cela ne signifie pas que le trafic ne se rendra plus au satellite ni que les liens avec le satellite seront débloqués – ces liens seront nécessaires pour atteindre l’Internet -, mais lorsque le contenu est local, le chemin emprunté est local et le demeure. Il s’agit d’une bonne chose.

« Nous savons tous que l’Internet est essentiel. Pourtant, les habitants du Nord canadien vivent sans un accès stable, rapide et abordable à Internet, ce qui a une incidence sur beaucoup de choses – entre autres, la capacité du gouvernement à fournir des programmes et services publics, que ce soit dans le domaine de la santé, de l’éducation, de la justice, du développement économique ou de la sécurité, » affirme Madeleine Redfern, la mairesse d’Iqaluit. « Il existe un écart numérique important entre les habitants du Nord et les autres Canadiens et cette inégalité croissante cause des troubles réels et des pertes d’importantes contributions que le Nord peut apporter à notre économie et notre sécurité. Le Canada a l’occasion et la capacité de renverser la situation en fournissant des investissements stratégiques, y compris pour les télécommunications, qui pourraient produire des résultats et des bénéfices immédiats pour les habitants du Nord et les autres Canadiens. »

Un Internet local offre de nombreux avantages, y compris la vitesse, la qualité et les coûts. Un des avantages les plus importants, selon moi, est la sécurité. De nombreuses personnes qui vivent dans ces collectivités ne mettent pas leurs logiciels et appareils à jour régulièrement, comme peut le faire un habitant d’Ottawa ou de Vancouver. Comme ces opérations sont coûteuses et prennent beaucoup de temps, ils choisissent de passer une mise à jour et d’attendre la suivante, ou peuvent même sauter les mises à jour pendant des mois. Cette façon de faire les place dans une situation très risquée par rapport à des intervenants malveillants. Pour vous donner une idée des risques, Microsoft fournit des rustines de sécurité et de logiciel chaque mercredi. Ce sont 52 correctifs par année, comparativement à une mise à jour qu’une personne avec un accès Internet lent et lourd peut choisir d’effectuer annuellement. Un PEI peut faire partie de la solution.

Comment un PEI pourrait-il fonctionner dans le Nord?

Un PEI à Iqaluit serait très différent d’un PEI à Winnipeg ou Montréal. Habituellement, un PEI connecte des réseaux autonomes. Un réseau autonome peut être comparé à des routes régionales : toutes les autoroutes de l’Ontario sont connectées. Par l’entremise d’un PEI, on pourrait connecter ces routes ontariennes à des autoroutes du Manitoba et du Québec. Un PEI dans le Nord ne fonctionnerait pas de cette façon. Ce serait plutôt équivalent à connecter certaines autoroutes ontariennes entre elles.

La connexion de réseaux locaux est nécessaire. En ce qui a trait à la préoccupation en matière de sécurité précitée, si les réseaux étaient connectés et le PEI avait des mémoires caches de contenu locales pour Microsoft, Apple et Android, cela signifierait qu’une mise à jour de logiciel ou de sécurité exigerait un passage par le satellite pour mettre à jour la mémoire cache locale, qui serait ensuite accessible pour tous. Fini les longs voyages en amont et en aval pour toutes les personnes qui ont besoin d’une mise à jour, souvent en même temps.

Le plus grand défi pour l’installation d’un PEI dans le Nord serait les coûts. Ceux qui se connectent à un PEI à Toronto ou Saskatoon payent des frais, mais dans le Nord, compte tenu des coûts des connexions au satellite, le raccordement devrait faire partie d’une offre de service communautaire.

 

De nombreux défis qui en valent la peine

J’ai de nombreuses idées et de nombreuses questions. Comment un PEI peut-il fonctionner dans le nord du Canada? Comment pourrions-nous connecter la liaison montante au satellite? Serait-il préférable d’utiliser une IPV6 pour éviter les problèmes de routage d’une IPV4?

Un PEI dans l’Arctique pourrait changer la vie des personnes habitant dans des communautés isolées. Si l’objectif est un meilleur Canada en ligne – et ce devrait l’être – le jeu en vaut définitivement la chandelle.

Qu’en pensez-vous? Faites-le-nous savoir!

À propos de l’auteur
Jacques Latour

En tant qu’expert de la conception de solutions de pointe en matière de TI, Jacques a établi CIRA à titre de leader mondial parmi les registres de domaines (ccTLD). Il possède plus de 25 ans d’expérience dans les secteurs privé et sans but lucratif et, à titre de dirigeant principal des technologies à CIRA, il dirige actuellement les Labos, plaque tournante de l’innovation à CIRA, et assure le leadership et la direction de la gestion et de la sécurité du registre .CA et de son DNS sous-jacent.

Visionnaire de la communauté d’Internet, Jacques a dirigé l’élaboration du test de performance Internet de CIRA, est un ardent défenseur de l’adoption de l’IPv6 et représente le registre .CA sur le plan international en qualité de membre de divers groupes de travail et groupes consultatifs. Il participe à l’élaboration d’une nouvelle architecture canadienne d’Internet. Il a agi comme catalyseur pour la création d’une association nationale canadienne des IXP, CA-IX, et il siège au conseil d’administration du Manitoba Internet Exchange (MBIX) et du DNS-OARC. Jacques siège aussi au comité consultatif pour la sécurité et la stabilité de l’ICANN.

Jacques est diplômé à titre de technologue en génie électronique après des études au Collègue Algonquin. Il a également suivi avec succès les formations certifiantes ITIL (v3) Foundation et Agile ScrumMaster.

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