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Pour tenter de comprendre les défis et les possibilités auxquels sont confrontés la société civile et les organismes communautaires qui s’efforcent d’améliorer la qualité de l’Internet au Canada, CIRA a demandé à la firme de recherche The Strategic Counsel de procéder à une évaluation qualitative et quantitative de la façon dont les intervenants perçoivent le paysage dans le domaine de la philanthropie numérique au pays.

Les chercheurs ont commencé par identifier les organismes à but non lucratif, les organismes de bienfaisance, le milieu universitaire, les organismes de financement et les fonctionnaires des différents programmes gouvernementaux qui s’occupent des initiatives ayant pour but de favoriser l’accès à des services Internet – ou des « projets liés à l’Internet – sûrs, fiables et de qualité à la grandeur du pays. Les chercheurs ont ensuite demandé à ces groupes ce qu’ils pensent des priorités et de la disponibilité du financement dans le domaine du numérique au Canada. Un tel exercice leur a permis de découvrir sur le plan du financement des lacunes et des problèmes importants, mais également des problèmes systémiques et des obstacles qui empêchent de s’attaquer à ces problèmes qui touchent les politiques et le financement. Sans un financement à long terme afin de combler ces lacunes, il est peu probable qu’on assiste aux changements systémiques nécessaires.

Les résultats de la recherche nous apprennent que le développement numérique au Canada est sous-financé, fragmentaire, improvisé et désorganisé malgré que les intervenants partagent plusieurs des mêmes buts.

Les résultats de la recherche nous apprennent que le développement numérique au Canada est sous-financé, fragmentaire, improvisé et désorganisé malgré que les intervenants partagent plusieurs des mêmes buts – relier les Canadiens à l’Internet de manière fiable et abordable afin qu’ils puissent participer confortablement et en toute connaissance de cause à une économie et une société de plus en plus axées sur le numérique.

La recherche a également permis de constater que ces buts et les défis correspondants ne deviennent que plus urgents en raison de la pandémie de COVID-19, une crise mondiale qui nous oblige à réaliser en ligne presque tous les aspects de nos vies quotidiennes.

La recherche de The Strategic Counsel s’est déroulée entre les mois d’avril et juin cette année, alors que CIRA a ensuite procédé à d’autres entrevues en août. Le résultat… une étude marquante sur les lacunes que présente le financement au Canada et sur les problèmes systémiques sous-jacents. Ce rapport présente ces constatations et propose des mesures possibles que peuvent prendre les différents intervenants pour s’attaquer au sous-développement numérique du Canada et redresser ainsi la situation.

Sommaire exécutif

Le Canada ne dispose pas du financement nécessaire pour réaliser des projets en lien avec l’Internet.

Les ressources sont rares, et ce, tant en termes de dollars absolus disponibles pour les organismes à but non lucratif, les organismes de bienfaisance et compte tenu du nombre et de l’ampleur des sources de financement.

Le financement provient en majeure partie du gouvernement.

La vaste communauté philanthropique qui distribue des subventions dans d’autres secteurs, comme la santé et l’éducation, ne voit pas le développement numérique comme une priorité. La philanthropie dans le domaine du numérique au Canada est mal définie et, par conséquent, plus difficile à comprendre. Cela contraste avec les autres endroits, dont les États-Unis et l’Europe, où la philanthropie numérique est plus répandue, parce qu’on accorde la priorité aux problèmes.

L’accès au financement est compliqué et difficile.

Tel est spécialement le cas des organismes à but non lucratif et des organismes de bienfaisance qui ne disposent pas des ressources leur permettant d’embaucher des spécialistes pour les aider à présenter les demandes.

Le financement est davantage investi dans le leadership numérique, les infrastructures et le leadership communautaire.

On a besoin des ressources pour soutenir les efforts qui permettent d’augmenter l’équité et les compétences, de bâtir des réseaux et de défendre les politiques.

Ces obstacles contribuent à un secteur qui est à la fois improvisé, hétéroclite et désorganisé.

Ils contribuent également au déséquilibre chez les intervenants qui s’occupent de défendre les politiques, ce qui favorise la participation des industries aux dépens des communautés, des groupes de la société civile et des organismes à but non lucratif.

La COVID-19 devrait empirer la situation.

On s’attend à ce que la pandémie entraîne de nouvelles pressions financières sur le faible nombre de bailleurs de fonds dans ce domaine, étirant ainsi le financement déjà limité entre d’autres besoins et priorités.

On fait appel à CIRA pour aider à mobiliser les efforts de sensibilisation, assurer la coordination et augmenter le financement.

On considère que ce rôle est fait sur mesure pour CIRA en raison de la position unique qu’elle occupe en tant qu’entité neutre et indépendante dont l’intérêt fondamental repose dans le développement numérique du Canada. Alors que CIRA peut assurément apporter son aide, les besoins des groupes qui évoluent dans ces secteurs sont simplement considérables pour que l’organisme y réponde à elle seule.

Termes importants

Philanthropie numérique :

Subventions, financement et autres ressources que distribuent le gouvernement, les fondations, les entreprises, les individus – quiconque possède des ressources destinées à cette fin – pour un vaste éventail de projets liés à l’Internet, comme l’infrastructure de l’Internet, les programmes de littératie numérique, les projets de cybersécurité et l’engagement public dans la façon dont les technologies numériques sont déployées et régies au Canada.  

Projets liés à l’Internet :

Projets communautaires qui ont ceci en commun qu’ils permettent de brancher les Canadiens à l’Internet de manière abordable, fiable et informée.

Développement numérique :

Processus et initiatives permettant de réaliser l’équité numérique pour tous les Canadiens en ce qui a trait à l’accès à l’Internet et la capacité de participer à une économie et une société de plus en plus numériques.

Introduction

Les problèmes entourant le développement numérique au Canada peuvent se résumer par l’expérience de Bruce Buffalo et de la Nation crie de Samson à Maskwacis, un hameau où habitent près de 7 600 âmes au sud d’Edmonton en Alberta.

À l’instar de plusieurs résidents sur la réserve, Buffalo se disait frustré par le prix élevé et la piètre qualité du service Internet disponible au sein de sa communauté. Ainsi, il décida il y a trois ans de s’attaquer au problème.

Ayant suivi au départ une formation pour devenir menuisier, Buffalo entreprit d’apprendre par lui-même le réseautage de base. Il décida d’organiser une campagne en ligne sur GoFundMe pour amasser la somme de 1 500 $ ou suffisamment pour payer une année d’accès résidentiel à l’Internet par l’entremise de son fournisseur satellite local, ainsi que pour acheter un équipement de réseautage. Après s’être assuré auprès du fournisseur qu’il avait le droit de donner gratuitement l’accès au Wi-Fi après l’avoir payé, il l’a fait pour ainsi permettre à près de 30 foyers de bénéficier de son propre service. Il mena ensuite une autre campagne et amassa cette fois-ci 7 000 $ pour étendre considérablement ce réseau autonome.

Buffalo apprit ensuite que Maskwacis avait accès à un réseau à large bande par fibre optique, mais que celui-ci était réservé aux écoles, aux activités gouvernementales et aux centres correctionnels. Il créa alors une entité à but non lucratif et peu de temps après, Cybera, un incubateur d’entreprises à but non lucratif en Alberta, contribua en offrant une partie de sa large bande. Le Collège culturel de Maskwacis et les centres de données Wolfpaw situés à proximité ont également contribué à offrir certains des services nécessaires.

L’effort s’est ainsi poursuivi. À l’heure actuelle, près de 500 personnes peuvent se brancher chaque jour par l’entremise de 21 points d’accès. Près de 120 sont connectés en tout temps et bénéficient de vitesses de téléchargement en aval et en amont atteignant 80 mégaoctets par seconde, ce qui est comparable à ce qu’obtiennent plusieurs utilisateurs résidentiels dans les grandes villes. Pendant ce temps, une subvention que CIRA a remise à la Mamawapowin Technology Society de Buffalo dans le cadre de son Programme d’investissement communautaire permet toujours aux utilisateurs d’utiliser gratuitement ce service. Il déclare qu’il s’agit là de l’accès à l’Internet le plus rapide et le plus fiable dont bénéficie sa communauté. Buffalo croit avoir créé un modèle qu’il peut exporter vers d’autres réserves des Premières Nations.

La Nation crie de Samson est maintenant en meilleure position en ce qui a trait à l’accès à l’Internet qu’elle ne l’était en 2017, mais il prévient que l’amélioration reste précaire. Il a dû apprendre la façon d’utiliser le matériel et le logiciel du réseau et il consacre de longues heures à son entretien. Compte tenu de ces facteurs, il ne croit pas que le réseau sera durable à long terme, du moins pas pour l’instant.

Le réseau à large bande que Bruce Buffalo, membre de la nation crie de Samson, a lui-même construit représente un microcosme des enjeux les plus importants qui sont liés à l’Internet au Canada – un projet qui est né du besoin d’une communauté à laquelle les services de télécommunications accordent peu d’importance, qui est financé presque entièrement grâce au bon vouloir des individus et des organisations, sans un réseau de compétences déterminées à assurer sa continuité jusque dans l’avenir.

Le cas de Buffalo est un microcosme des problèmes les plus urgents qui touchent l’Internet au Canada. Le réseau autonome à large bande est un projet qui s’imposait – une infrastructure de plus en plus vitale au sein d’une communauté qui représente une faible priorité pour les sociétés de télécommunications et dont le financement repose presque entièrement sur la bonne volonté des individus et des organisations.

L’effort existe dans un vide sur les plans du leadership et de l’éducation, sans un pipeline de compétences investies dans le but de garantir sa continuité à l’avenir. Il s’agit d’un processus improvisé, qui ne présente aucun lien avec d’autres efforts comparables déployés ailleurs au pays et sans une surveillance capable de le guider pour faire contrepoids aux intérêts commerciaux. En résumé, il s’agit d’un microcosme du développement numérique dans l’ensemble du Canada.

Une des principales raisons qui explique ce sous-développement est le manque généralisé de financement qui donne lieu à des problèmes systémiques, que vient aggraver la méconnaissance générale des enjeux dans le monde du financement. Compte tenu du peu d’argent disponible pour assurer le soutien et la croissance des projets à l’extérieur de l’industrie ou pour favoriser la collaboration créative et un processus communautaire de résolution des problèmes, combiné au peu d’attention qu’on accorde à l’ensemble du problème, le secteur dépérit de manière fragmentaire et improvisée et la tendance se poursuivra à moins qu’on ne parvienne à mieux comprendre ce manque grave de ressources et à le communiquer à l’ensemble de la communauté philanthropique.

Voilà quelles sont les constatations d’une nouvelle étude marquante réalisée par The Strategic Counsel au nom de l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet.

50 entrevues approfondies

65 réponses recueillies grâce à un sondage en ligne

Partant de 50 entrevues téléphoniques réalisées en avril et en mai auprès d’organismes à but non lucratif et d’organisations de la société civile, de communautés autochtones, d’universitaires et de chercheurs, du gouvernement, d’entités dans le domaine de l’innovation sociale et de fondations philanthropiques, ainsi que d’un sondage auquel ont répondu en ligne 65 répondants en juin dernier, on a déterminé que le manque de financement contribue à la lenteur de l’activité et de la croissance dans les principaux domaines, comme le développement des infrastructures, l’éducation axée sur la littératie numérique et le leadership communautaire.

Le gouvernement offre des subventions et des programmes, mais les répondants au sondage ont déclaré que ceux-ci sont souvent inaccessibles à la plupart des organismes à but non lucratif et des organismes de bienfaisance. La communauté philanthropique au Canada est en majeure partie inconsciente de ce manque à gagner qui touche le financement numérique, parce qu’il n’est pas clairement défini lorsqu’on le compare aux autres enjeux qui sont traditionnellement bien financés, comme la santé, l’environnement, la pauvreté, etc.

La communauté philanthropique au Canada est en majeure partie inconsciente de ce manque à gagner qui touche le financement numérique, parce qu’il n’est pas clairement défini lorsqu’on le compare aux autres enjeux qui sont traditionnellement bien financés, comme la santé, l’environnement, la pauvreté, etc.

Cette situation est très différente des autres pays, en particulier les États-Unis, où de nombreux groupes de réflexion, fondations et autres organisations philanthropiques investissent grandement dans les enjeux liés à l’Internet.

Le financement disponible au Canada est presque toujours décerné de façon ponctuelle, pour un projet à la fois. Le sondage a permis de constater que le financement de base destiné à créer et à entretenir des organisations dotées d’une vision et de buts à long terme en matière de changement systémique est presque inexistant.

Ces enjeux se manifestent de plusieurs façons, depuis l’absence complète d’accès à l’Internet dans plusieurs régions du pays – en particulier au sein des communautés rurales, éloignées et autochtones – jusqu’aux services qui sont inabordables pour bien des gens, et ce, même dans les parties les plus urbanisées. De vastes segments de la population continuent de vivre dans l’incertitude quant à la façon d’utiliser les ressources en ligne, alors que des groupes de la société civile se retrouvent incapables de réclamer les changements nécessaires au niveau des politiques.

On se retrouve ainsi avec un manque à gagner où plusieurs Canadiens ne sont effectivement pas branchés, de sorte qu’ils sont de plus en plus laissés pour compte par l’économie numérique. On assiste également à un déséquilibre où le gouvernement et les organismes de réglementation prennent leurs décisions sur le plan des politiques en se basant en grande partie, ou même exclusivement, sur les commentaires de l’industrie. À l’époque de la COVID-19, ces problèmes ne peuvent qu’empirer.

Les répondants au sondage de The Strategic Counsel ont dressé une liste détaillée des problèmes liés au développement numérique et proposé quelques solutions. Leurs commentaires sont présentés ici et accompagnés d’anecdotes connues et d’opinions recueillies au cours d’entrevues additionnelles ayant pour but de déterminer l’étendue du problème. Les mesures proposées que peuvent prendre CIRA et d’autres intervenants pour faire avancer le Canada sont présentées ci-dessous.

Financement : Trop peu pour faire la différence, trop difficilement accessible

Les problèmes dans le domaine du développement numérique au Canada commencent par le financement. Les fonds destinés aux projets et aux initiatives liés à l’Internet, depuis le déploiement d’infrastructures, comme les réseaux à large bande, jusqu’aux efforts axés sur les compétences, comme l’éducation consacrée au droit à la vie privée, sont rares.

D’après le rapport de The Strategic Counsel, presque tous les gens qu’on a interviewés ont décrit le financement des projets liés à l’Internet comme étant limités, alors que certains parlent d’une « lutte constante ». Près de la moitié des répondants, soit 45 pour cent, parlent de la difficulté d’accéder au financement, comparativement à 13 pour cent à peine qui qualifient l’accès de facile.

45 % déclarent qu’il est difficile d’accéder au financement

Alors que la majeure partie du financement des projets liés à l’Internet émane de source gouvernementale, on compte au Canada peut de donateurs institutionnels qu’on retrouve en grand nombre ailleurs, comme des groupes de réflexion et des fondations. Le problème est d’autant plus criant qu’il arrive souvent que les organisations canadiennes ne soient pas admissibles au financement remis par des fondations mondiales, parce que le Canada n’entre pas dans une enveloppe de financement régionale.

Un organisme de financement a déclaré à des chercheurs que les organismes de subvention aux États-Unis ont tendance à ignorer le Canada, parce nous ne sommes pas suffisamment étrangers : « L’Europe obtient une part plus grande [du financement] que le Canada, mais les fondations américaines optent pour l’Europe, parce qu’elle se situe ‘ailleurs’, alors qu’elles n’investissent habituellement pas au Canada.

Les répondants au sondage ont identifié plusieurs secteurs clés aux fins du financement – on a constaté que la littératie numérique et les infrastructures représentent la priorité ultime – mais les conversations avec les intervenants nous ont permis de constater que plusieurs besoins se recoupent. Le leadership communautaire, en particulier, qu’on qualifie de troisième priorité en importance, peut stimuler la défense des politiques, alors qu’il est essentiel afin d’apporter des changements dans les domaines plus prisés, par exemple. Par conséquent, les besoins ne sont pas une question d’alternative. Ils sont plutôt de nature holistique et mutuellement inclusifs. Pour cette raison, on devrait voir le classement relatif des priorités dans cette optique.

43 % pour la littératie numérique

32 % pour les infrastructures

12 % pour le leadership communautaire

43 % ont déclaré que la littératie numérique représente le domaine le plus important. Voici quelques exemples de priorités de financement qu’on a présentés dans le domaine de la littératie numérique :

Une augmentation de l’équité, le développement des compétences et l’autonomisation des peuples autochtones, des jeunes, des Canadiens racialisés, des adultes plus âgés et des gens à faible revenu.

La lutte contre la désinformation.

L’éducation publique concernant la vie privée, la politique numérique, la gouvernance des données et la compréhension des algorithmes en ce qui a trait à la façon dont ils définissent l’accès à l’information, les droits et l’égalité.

L’élaboration de programmes d’acquisition des compétences dans le domaine du numérique dans les écoles.

La création d’une association nationale consacrée aux médias et à la littératie numérique.

32 % des répondants ont qualifié le financement des infrastructures de secteur le plus important. Les besoins en matière de financement sont énumérés ici :

Le branchement des régions rurales et éloignées avec la fibre optique.

Un cadre permettant de relier les communautés autochtones au moyen d’une infrastructure abordable et de qualité qui est dirigée ou codirigée par des chefs autochtones.

La recherche et des projets pilotes pour aider à définir les modèles d’affaires des infrastructures qui sont durables dans les zones à faible densité où la population est dispersée.

Le financement de programmes pilotes pour mettre à l’essai les validations de principe, incluant les réseaux maillés et d’autres solutions technologiques.

De nouveaux projets permettant de rendre l’accès à l’Internet abordable, incluant dans les zones urbaines.

12 % des répondants ont qualifié le financement du leadership communautaire de besoin le plus important.

Cependant, comme on l’a mentionné, les entrevues en profondeur menées en compagnie des répondants révèlent que ce domaine était probablement le plus important afin de promouvoir le progrès et les changements liés à tous les autres enjeux. Les problèmes de financement à ce niveau comprenaient :

L’élaboration d’une coalition ou d’un écosystème de groupes s’efforçant de résoudre des problèmes comparables.

La défense et l’élaboration de politiques, incluant la recherche et les éléments de preuve visant à la soutenir.

Les efforts axés sur une réforme proactive des lois.

L’utilisation de la recherche actuelle pour la présenter de manière à ce qu’elle soit facile à comprendre pour les décideurs.

Les mesures ayant pour but de contrer la concentration du pouvoir, les problèmes de monopole et les fiducies de données.

Le manque de financement n’est pas l’unique problème auquel sont confrontés les groupes et les organisations. Dans les cas où un financement est disponible, les demandeurs de subventions doivent également surmonter de nombreux obstacles pour y accéder. Le principal obstacle concerne les processus de demande qui sont souvent complexes et qui font appel à des compétences particulières ou à des consultants qualifiés.

Franca Palazzo, directrice administrative du chapitre canadien de la Société Internet, a déclaré qu’elle avait consacré l’automne dernier plusieurs semaines à une demande de subvention pour un projet, parce qu’elle ne pouvait se permettre de recourir à l’aide d’un spécialiste. Elle a refusé de nommer la subvention de crainte qu’en la nommant ainsi publiquement, cela ne nuise à ses chances lors de demandes futures. Elle a cependant déclaré que le processus était compliqué et qu’elle devait jouer aux devinettes dans bien des cas.

Palazzo a fini par soumettre la demande, mais elle a finalement essuyé un rejet. Elle s’est dite frustrée, parce qu’on ne lui a donné aucune explication quant à la raison d’un tel rejet. On disait, dans la réponse, qu’on ne pouvait fournir d’autres commentaires en raison du nombre élevé de demandeurs. Il ne s’agit pas d’un incident isolé, puisque de tels rejets sont la norme.

Le sondage de The Strategic Counsel présente ce problème d’expertise comme un des inconvénients auxquels les organismes à but non lucratif et les organismes de bienfaisance se retrouvent confrontés lorsqu’ils présentent des demandes de subventions, en particulier dans les cas où ils sont en concurrence avec des universitaires qui se disputent les mêmes fonds.

Les universitaires possèdent déjà un avantage relatif, parce qu’un plus grand nombre de sources de financement sont disponibles – 30 pour cent des répondants associés à un établissement postsecondaire ont déclaré que le niveau de financement des projets liés à l’Internet était intéressant comparativement à 10 pour cent à peine des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif – alors que leur accès à des connaissances spécialisées leur procurait une autre longueur d’avance.

« [Les universités] possèdent tellement d’expertise – des chercheurs, des gens affectés à la rédaction des propositions, toute cette expertise…, contrairement aux petites communautés rurales [pour augmenter la chance de remporter une subvention], » de dire un répondant d’une entreprise sociale.

D’autres groupes et individus qui sont associés au développement numérique exposent d’autres problèmes, comme la rivalité créée entre les organisations qui partagent certains buts lorsque vient le temps de demander des subventions.

Denise Williams, présidente-directrice générale du First Nations Technology Council, déclare que la nature concurrentielle des prix encourage un climat axé sur la loi du plus fort, alors que les plus forts ne sont pas nécessairement ceux qui ont le plus besoin des fonds, mais plutôt, une fois de plus, ceux qui connaissent le mieux la manière de présenter une demande.

Rob McMahon, professeur associé à l’Université de l’Alberta et coordonnateur auprès du First Mile Connectivity Consortium, reconnaît que l’approche concurrentielle est problématique, souvent injuste et possiblement dépassée. Les petits organismes à but non lucratif se retrouvent parfois à soumissionner contre de grandes sociétés pour obtenir les subventions liées aux infrastructures. Leurs chances de réussir sont souvent minimes dans de telles situations.

« Plutôt que de réfléchir à des façons de collaborer, ces deux parties disputent les mêmes fonds, » ajoute-t-il.

Pire encore, plusieurs répondants – soit près des deux tiers – croyaient que ces problèmes de financement allaient être exacerbés encore davantage pendant la pandémie de COVID-19, puisque les ressources des différents paliers de gouvernement sont surutilisées.

« Je crains que nous assistions à un phénomène comparable à 2008 lorsqu’est survenue une contraction importante de l’économie et, en raison de la récession, les gens ont réduit leurs subventions… alors que de nombreux programmes faisaient les frais de coupures ou étaient abandonnés, » de dire un répondant d’un organisme à but non lucratif.

Établissement d’un ordre du jour : Les cartes sont pipées en faveur de l’industrie

Le manque de financement joue également un rôle lorsqu’on parle d’adopter des politiques, alors que les groupes de la société civile sont désavantagés s’ils exposent leur situation aux organismes de réglementation et au gouvernement. De tels groupes ont décrit en des termes élogieux la manière dont le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications (CRTC) est devenu plus inclusif au cours des dernières années en tenant des audiences publiques et des discussions sur une panoplie d’enjeux et de décisions imminentes, mais ils ont également averti qu’une telle ouverture avait entraîné de nombreux problèmes, en particulier en ce qui a trait au financement.

À l’instar du besoin de compétences spécialisées et parfois, par conséquent, l’embauche de consultants dispendieux pour remplir les demandes de subvention, la situation est la même lorsqu’il s’agit de prendre part aux débats du CRTC. L’organisme de réglementation, qui prend souvent des décisions importantes et déterminantes en ce qui concerne les règles que tous les intervenants dans le domaine du développement numérique devront respecter, fonctionne à la manière d’un tribunal, ce qui peut être source de confusion et de découragement pour ceux qui tentent d’y participer.

Si un individu ou un groupe découvre effectivement la manière de naviguer et de participer aux audiences du CRTC, il doit inévitablement encourir certains coûts pour le faire. Les participants peuvent demander un remboursement de ces coûts, mais le processus est interminable – il arrive souvent qu’on doive attendre entre 12 et 18 mois, » selon Lawford. C’est souvent trop long pour les organisations qui sont régulièrement à court d’argent.

Un autre problème qui est lié à l’ouverture du CRTC concerne le nombre élevé de débats qui en découlent. Des groupes de la société civile déclarent qu’ils ne peuvent se permettre de participer à tous ces débats, de sorte qu’ils doivent faire un choix, ce qui peut envoyer un mauvais message à l’organisme de réglementation. Les grandes sociétés auxquelles les groupes de la société civile s’opposent lors de ces audiences n’ont pas le même problème – parce qu’elles participent à tous les débats.

Lawford est d’accord. Il a déclaré qu’il souhaitait intervenir davantage dans le conflit touchant le prix de gros de l’Internet qui impliquait les propriétaires des réseaux et les fournisseurs de services indépendants auquel on assiste au CRTC depuis l’été 2019, mais ce fut là une de ces batailles que le CDIP a été forcé en grande partie d’éviter – parce que comme plusieurs autres, cette organisation n’a pas le temps d’y participer. « J’en ai [des dossiers d’intervention] sur mon bureau, mais je n’arrive pas à les traiter, » de dire Lawford.

Les groupes de défense des consommateurs doivent composer avec un déséquilibre encore plus grand sur le plan politique. Personne n’a les moyens d’embaucher des lobbyistes à temps complet pour rencontrer régulièrement les fonctionnaires du gouvernement et les bureaucrates, et assurément pas les nombreuses grandes sociétés de télécommunications.

Par exemple, alors que sévissait la pandémie de COVID-19, entre la mi-mars et la fin de juillet, les trois plus importantes sociétés de sans-fil au Canada – Bell, Rogers et Telus – ont rencontré des fonctionnaires du gouvernement ou du CRTC à 128 reprises si on se fie au registre des lobbyistes du Canada, soit près d’une fois par jour. Aucune réunion de ce genre n’a été enregistrée chez CDIP et OpenMedia au cours de la même période.

Le problème dans ce cas-ci se situe à la base, de dire le groupe. « [Compte tenu] de la façon dont le cadre actuel et les règlements sont conçus, je ne vois pas comment nous pourrions surmonter une telle situation sans une sorte d’innovation majeure, » de dire Williams du First Nations Technology Council.

Le besoin d’un financement de base et de changements systémiques

Tous les enjeux dont on a fait mention jusqu’à présent témoignent du besoin d’augmenter le financement de base – ces ressources qui permettent aux organisations de répondre à leurs besoins de base de manière continue. Qu’il s’agisse du loyer ou des services publics consommés dans les bureaux, du personnel ou de la formation, l’absence d’un financement de base oblige souvent les individus et les organisations à faire des pieds et des mains pour garder la lumière ouverte.

D’après le rapport de The Strategic Counsel, les organisations qui ne peuvent compter sur un financement de base ont de la difficulté à :

Planifier les projets à plus long terme;

Poursuivre les projets réussis qu’elles ont déjà entrepris après avoir obtenu une subvention;

Exploiter les possibilités inattendues qui se présentent;

Réagir aux problèmes et aux urgences pouvant survenir, incluant les audiences du gouvernement, mais également une crise, comme celle de la COVID-19;

Gérer les niveaux de personnel.

72 % déclarent que le financement de base est une excellente ou une bonne idée

Près de 41 pour cent des répondants ont déclaré avoir besoin d’un financement additionnel pour les projets de base, nouveaux ou spéciaux, mais davantage ont dit préférer le financement de base à ce dernier, et ce, dans une proportion de 29 pour cent par rapport à 20 pour cent respectivement. Soixante-et-onze pour cent ont affirmé qu’il existe un manque de financement pour les projets et les initiatives à long terme, alors que 72 pour cent ont répondu que le financement de base est « une excellente ou une bonne idée ».

Les répondants au sondage ont parlé du besoin d’un tel financement, alors que plusieurs ont exprimé des opinions bien tranchées :

« Très peu [d’organismes de financement] sont vraiment intéressés à soutenir les [activités] de base, » selon un organisme à but non lucratif. « Personne ne considère qu’il s’agit là de sa responsabilité… personne n’est intéressé à s’engager pendant longtemps de quelque manière que ce soit… Il semble que les organismes de financement ressemblent en quelque sorte à des entités concrètes, de courte durée, qui n’offrent pas de service. »

« Il arrive que les bailleurs de fonds ne veuillent pas que les mêmes projets se concrétisent, ce qui vous empêche de mettre sur pied et d’entretenir un projet, » de dire une autre entreprise sociale. « Et c’est alors [qu’on entend], ‘Ce fut un projet intéressant cette année, mais nous n’allons pas remettre de telles subventions bien des fois.’ Vous trouvez donc que vous n’avez que très peu d’influence plutôt que d’effectuer un travail considérable dans ce domaine afin que nous puissions obtenir des données mesurables qui témoignent de votre impact… Lorsqu’on a terminé, je crois qu’il nous incombe, en tant qu’organisme de bienfaisance, de poursuivre nos efforts sans avoir accès au financement de base? »

« On ne produira probablement pas un véritable changement si on survit d’une année à l’autre avec de petits projets, » de dire un autre organisme à but non lucratif. « Si votre but consiste à produire un impact… Il est difficile de concilier un petit projet et un investissement annuel avec des résultats concrets. Pensez à tout le temps et l’énergie investis afin de gérer le financement. Je me demande souvent la raison pour laquelle ils ne veulent pas étendre celui-ci sur plusieurs années. »

« Pensez à tout le temps et l’énergie investis afin de gérer le financement. Je me demande souvent la raison pour laquelle ils ne veulent pas étendre celui-ci sur plusieurs années. »

« C’est de stabilité dont nous avons vraiment besoin. Nous avons l’expert en la matière et nous comptons sur un excellent leadership au sein de notre organisation, » de dire un autre. « Nous participons tous à cette conversation depuis 10 à 20 ans. Nous avons besoin de ressources afin de bien servir nos membres… Il ne peut n’y avoir qu’une demande de propositions de temps à autre. Cela ne fonctionnera jamais. »

Sans un financement de base pour aider les organisations à s’imposer, les problèmes dans le domaine du développement numérique au Canada se poursuivront, selon Mark Surman, directeur administratif de la Mozilla Foundation. L’absence de ce financement particulier nous permet de comprendre la raison pour laquelle on n’a assisté à l’apparition d’aucun contrepoids à l’industrie et la raison pour laquelle on n’y assistera jamais, à moins d’un changement profond – un scénario classique de l’œuf ou la poule.

« Vous n’avez vraiment personne qui investisse à long terme de manière à favoriser la large bande ou la protection des renseignements personnels en tant que défenseur public. Personne n’a vraiment été en mesure de se lever et de jouer ce rôle, » a-t-il déclaré. « Vous n’avez pas les organisations et vous n’avez pas le financement dont ces organisations auraient besoin. Nous sommes en présence d’un cercle vicieux. Il n’y a pas d’argent, parce que personne ne défend cette cause.

Ce qui aggrave le problème, selon d’autres, ce sont les tentatives d’obtenir un financement du gouvernement – soit un financement de base ou un financement basé sur un projet – pour tenter de s’attaquer aux problèmes systémiques, empêchant ainsi d’aller de l’avant.

Lawford du CDIP donne à penser qu’un problème majeur des responsables communautaires en raison des problèmes d’infrastructures et d’accès à l’Internet découle du fait que, contrairement à de nombreux autres pays développés, rien en matière de service universel imposé dans la loi n’oblige le Canada lorsque vient le temps d’assurer que les citoyens sont branchés. Les États-Unis ont adopté une telle exigence dans la Communications Act de 1934, mais il n’existe pas de loi équivalente au Canada. Par conséquent, alors que le système américain n’est pas parfait, le gouvernement est obligé d’offrir aux groupes de la société civile un financement spécifique aux projets et un financement de base. 

« Ils agissent ainsi de manière spécifique, parce que la loi l’impose, » déclare-t-il. « Il n’existe aucune exigence déterminante qui oblige notre gouvernement à agir en ce sens. Dans ce cas-ci, tout est évident et nous espérons qu’il le fera et nous nous plaindrons ensuite s’il ne le fait pas. »

Judy Duncan, organisateur en chef d’ACORN Canada, souligne les efforts déployés par les entreprises de télécommunications qui offrent des services Internet plus abordables aux familles à faible revenu au Canada, ce qui représente un exemple d’une telle approche. Même si elles sont bien accueillies, les offres sont improvisées, apparemment avec timidité, ce qui ne suffit finalement pas à traiter les problèmes sous-jacents.

Une fois de plus, les intervenants ont souligné qu’il s’agit d’un cercle vicieux. Le gouvernement n’obligera personne à agir si rien ni personne ne l’y force.

Rôle de CIRA dans la philanthropie numérique

C’est en 1998 qu’on a incorporé l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet en tant que société à but non lucratif chargée d’administrer les principaux noms de domaine .ca, alors que le gouvernement du Canada l’autorisait officiellement à assumer ce rôle l’année suivante. En mai 2020, CIRA administrait plus de 2,9 millions de domaines actifs. Le but de la société est de faire la « promotion d’un Internet fiable pour les Canadiens ».

CIRA offre aux entreprises, aux organisations et aux individus des produits de sécurité, comme le pare-feu DNS et le Bouclier canadien, ainsi qu’une formation de sensibilisation à la cybersécurité. Depuis 2014, CIRA administre également le Programme d’investissement communautaire, qui distribue chaque année 1,25 million de dollars en subventions à des projets en lien avec l’Internet.

Programme d’investissement communautaire
1,25 million de dollars en subventions annuelles

Les responsables actuels du financement de CIRA sont en quête d’initiatives qui profitent aux étudiants, ainsi qu’aux communautés nordiques, rurales et autochtones. Les organismes à but non lucratif, les organismes de bienfaisance enregistrés, ainsi que les professeurs des universités et des collèges au Canada peuvent présenter une demande, alors que les subventions peuvent atteindre 100 000 $. De plus, une subvention dont le montant peut atteindre 250 000 $ est remise chaque année.

Le financement est remis pour un projet à la fois, alors qu’on peut remettre jusqu’à 15 pour cent du budget de subventions afin de couvrir les frais généraux ou les coûts d’exploitation de base du demandeur. Au cours des sept années depuis sa création, le programme a remis 7,95 millions de dollars à 171 projets.

En juin cette année, CIRA annonçait qu’elle finançait 20 projets. Ainsi :

  • reBOOT Canada collaborera avec les Autochtones locaux et les jeunes habitant dans les régions rurales au sein de cinq petites communautés dans le nord de l’Ontario pour les former à la mise sur pied et à l’utilisation de points d’accès sans fil gratuits.
  • La Première nation de Couchiching dans le nord-ouest de l’Ontario encadrera une étude sur les options de connectivité par fibre optique à grande vitesse dans le but d’améliorer l’accès à l’Internet de ses 800 résidents.
  • Siksika Health Services dans le sud de l’Alberta mettra à niveau l’infrastructure Internet dans cinq édifices communautaires centraux, permettant ainsi à ses jeunes, aux aînés, aux membres du personnel et à l’ensemble de la communauté de bénéficier de l’Internet à haute vitesse.

57 % connaissent le Programme d’investissement communautaire

42 % considèrent que CIRA est digne de confiance et facile d’approche

Un sondage réalisé par The Strategic Counsel nous apprend que les intervenants dans le domaine du développement numérique dans le secteur de l’Internet entretiennent généralement une opinion positive de CIRA. Cinquante-sept pour cent connaissent le PIC, alors qu’à peine huit pour cent ne le connaissent pas. Quarante-deux pour cent ont décrit l’organisation comme étant digne de confiance et facile d’approche.

Certains croient qu’en raison de sa position privilégiée de société à but non lucratif relativement bien nantie qui présente un intérêt neutre à l’égard du développement numérique, CIRA pourrait combler le vide sur le plan du leadership et en faire plus pour organiser les groupes et les efforts disparates au Canada. CIRA pourrait :

  • Contribuer à accroître la capacité de l’ensemble du secteur en travaillant en partenariat avec d’autres bailleurs de fonds pour augmenter ainsi les fonds disponibles, entre autres, en éduquant les autres bailleurs de fonds au sujet des enjeux et des besoins dans cet espace.
  • Travailler en partenariat avec d’autres organismes non techniques, en particulier ceux qui s’intéressent à l’équité et à l’accès des communautés marginalisées et mal desservies.
  • Contribuer à accroître la capacité des principales organisations qui s’efforcent d’atteindre les objectifs stratégiques en leur offrant un financement et un soutien stables et à plus long terme.
  • Étendre les possibilités pour les participants plus récents et de moindre importance afin qu’ils puissent obtenir des microsubventions.
  • Accroître la capacité des organismes à but non lucratif de réagir aux nouveaux enjeux grâce à fonds d’intervention rapide et/ou à des cycles de demandes continues.
  • Miser sur sa propre expertise en fournissant ou en aidant à fournir davantage de ressources techniques et de soutien aux autres organisations.

Il vaut la peine de préciser que même si CIRA devait étendre de telles activités, les besoins en financement des intervenants dans ce secteur sortent de l’ordinaire. Autrement dit, CIRA ne peut réussir seule. On a besoin d’un financement bien plus grand provenant de sources plus nombreuses pour s’attaquer aux problèmes systémiques sous-jacents et aux déséquilibres qui existent dans le domaine du développement numérique au Canada.

Les organisations philanthropiques au Canada et ailleurs doivent être au fait de ces problèmes et savoir que les besoins sont énormes lorsqu’il s’agit d’assurer que tous les Canadiens peuvent participer à l’économie et à la société de plus en plus axées sur le numérique. Nombreux sont ceux qui ont été laissés pour compte, alors que maintenant, à l’ère de la COVID-19, le fossé n’est que devenu plus grand sur les plans numérique et démocratique.

Le financement du développement numérique devrait être comparable à celui accordé à la santé, à l’éducation et à la lutte aux changements climatiques. L’avenir du Canada en dépend et c’est la raison pour laquelle les organisations philanthropiques doivent se manifester.  

Conclusion

La COVID-19 a grandement accentué le fossé numérique au Canada. Le débat à savoir si l’Internet est un service de base essentiel à la vie quotidienne est officiellement terminé. Nous avons maintenant besoin des ressources et de la volonté pour aider à faire en sorte qu’un accès de confiance et de qualité à l’Internet devienne une réalité pour tous les Canadiens.

Nous avons maintenant besoin des ressources et de la volonté pour aider à faire en sorte qu’un accès de confiance et de qualité à l’Internet devienne une réalité pour tous les Canadiens.

La recherche réalisée par CIRA démontre que les lacunes sur le plan du financement et le déséquilibre des politiques empêchent un nombre bien trop grand de Canadiens de s’impliquer à part entière dans l’économie et la société de plus en plus numériques. Tel était le cas avant la COVID-19 et maintenant, alors que sévit la pandémie, nous assistons à une polarisation encore plus grande entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas accès. Les effets en cascade de cette exclusion ont des répercussions sur tous les aspects de nos vies – l’éducation, la santé, l’économie, nos amis et notre famille – et plusieurs Canadiens continueront d’être laissés pour compte si on ne s’y attaque pas bientôt.

Les constatations issues de la recherche nous poussent à agir, alors que les répondants à tous les niveaux convergent vers ces recommandations essentielles qu’on présente ci-dessous.

Le Canada doit créer une tradition philanthropique du numérique :

Les organisations de la société civile, tous les paliers de gouvernement, les groupes communautaires et les organisations comme CIRA doivent unir leurs efforts afin de promouvoir une compréhension de la philanthropie numérique au sein de la communauté philanthropique canadienne. Il est essentiel qu’ils comprennent le besoin urgent de soutenir le développement numérique au Canada.

Les donateurs doivent se sentir en confiance informés, soutenus et capables de participer à ce secteur de financement pour qu’on en vienne à le connaître et à le comprendre aussi bien que les enjeux bien pourvus en ressources, comme la conservation de l’environnement et le développement communautaire.

Les bailleurs de fonds qui s’occupent d’autres problèmes touchant le développement social et communautaire ne voient pas encore l’Internet comme étant indissociable du changement qu’ils cherchent à apporter.

Nous devons poursuivre les conversations, les échanges et le soutien des bailleurs de fonds afin de contrer l’hésitation et pour éliminer le financement en vase clos pour qu’on puisse voir et mettre en œuvre les initiatives liées à l’Internet comme un moyen de promouvoir le développement économique, la justice sociale et d’autres intérêts publics.

Le Canada a besoin, sur le plan du financement, d’un écosystème plus vaste, plus diversifié et plus transparent :

Très peu de bailleurs de fonds contribuent à financer le développement numérique au Canada. Nous sommes à la recherche de nouveaux joueurs intéressés à participer à ce jeu qu’est le financement du numérique – des fondations privées, des organismes philanthropiques dans le domaine technologique, des investisseurs sociaux pour commencer – et ensuite, nous devrons coordonner la diffusion de l’information et des connaissances sur ce que cet écosystème bien plus vaste peut offrir, afin que les communautés puissent ainsi établir facilement des liens et trouver ce dont ils ont besoin. 

Les bailleurs de fonds doivent encourager et soutenir la communauté dynamique de défense des intérêts publics :

Le financement de la participation publique visant à encourager la participation aux efforts de défense de la manière dont l’Internet est déployé au Canada est pratiquement inexistant et la situation doit changer d’urgence afin de ne pas oublier les besoins véritables des communautés au moment où le gouvernement rendra ses décisions touchant les prix et les investissements dans les infrastructures.

Les quelques initiatives de défense de l’Internet au sein de la société civile canadienne reçoivent présentement peu de ressources, alors que leur perte représenterait le coup de mort de la participation démocratique limitée au sein de la politique et de la réglementation de l’Internet au Canada.

Nous avons besoin de l’expertise de ces organisations et d’autres comme elles pour aider les Canadiens à comprendre les implications de la façon dont le gouvernement et l’industrie créent la plate-forme numérique sur laquelle repose notre société – ce qui consiste à offrir des sources de financement stable et durable afin que la société civile puisse ainsi occuper une place permanente à la table aux côtés du gouvernement et de l’industrie.

En éliminant ces obstacles sur les plans politique et réglementaire, on libérera des ressources communautaires et on obtiendra des réponses localisées aux problèmes, comme l’accès à l’Internet, la cybersécurité et la littératie numérique.

La pensée innovatrice doit contribuer à définir la façon dont le financement philanthropique dans le domaine du numérique devient accessible :

Les organisations de la société civile et les groupes communautaires affectés à des projets liés à l’Internet demandent aux bailleurs de fonds d’échanger une partie du contrôle qu’ils exercent à l’égard des pratiques de financement actuelles contre la confiance, une flexibilité accrue et un investissement durable afin de permettre ainsi aux communautés de déterminer les solutions numériques idéales dans leur contexte local.

L’environnement actuel axé sur la rareté du financement des initiatives numériques vient favoriser la concurrence. Les intervenants affirment que les solutions axées sur la collaboration, de nature communautaire et élaborées conjointement représentent la marche à suivre de prédilection – alors qu’on délaisse le financement des projets à court terme pour le remplacer par un financement des projets à plus long terme, ce qui représente un résultat souhaité qui permettra de mieux servir les intérêts de tout un chacun.

Le rôle de leadership et de catalyseur que joue CIRA en vertu de son initiative de subvention phare de 1,25 million de dollars est apprécié des intervenants dans ce secteur, mais il est loin de suffire. Il est clair qu’on a besoin que des bailleurs de fonds se manifestent et s’associent à CIRA dans cet effort et le temps est venu pour que nous participions tous à la création d’une tradition de philanthropie numérique au Canada.

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