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Les réseaux sociaux sont-ils vraiment la nouvelle place publique?

Par Georgia Evans

Chaque année, CIRA commande un sondage annuel explorant la façon dont les Canadien·ne·s utilisent Internet et publie les informations dans une nouvelle édition du Dossier documentaire sur Internet au Canada. Cette année, CIRA publie une série d’articles de blogue basés sur les constatations du sondage du Dossier documentaire sur Internet au Canada 2023. Le blogue qui suit est le dernier des quatre de la série.  

Il existe une idée populaire selon laquelle les réseaux sociaux sont devenus la nouvelle place publique, la version numérique de l’agora, l’espace public où les citoyen·ne·s de la Grèce antique se réunissaient pour discuter et débattre de nouvelles idées, de l’actualité, de la politique et former l’opinion publique. Est-ce vraiment le cas? Les nouvelles données de CIRA remettent en question cette notion, montrant dans quelle mesure les Canadien·ne·s obtiennent leurs nouvelles des réseaux sociaux et participent à la politique en ligne. 

L’idée que les réseaux sociaux sont la nouvelle place publique est souvent avancée par les fondateur·rice·s et chef·fe·s de la direction de ces grandes plateformes. Cependant, contrairement à l’agora, qui était un espace public, la plupart des plateformes de réseaux sociaux sont des sociétés à but lucratif. En mars 2022, quelques mois seulement avant d’accepter d’acheter la société anciennement connue sous le nom de Twitter pour 44 milliards de dollars, M. Elon Musk a tweeté que « Twitter sert de facto de place publique » et que « le non-respect des principes de la liberté d’expression sape fondamentalement la démocratie ».   

Il n’est pas le premier à utiliser la métaphore dans le cadre des réseaux sociaux, mais celle-ci est sans aucun doute séduisante : une plateforme numérique gratuite et accessible à tout le monde qui permet à un public averti de s’informer sur l’actualité, de partager et d’échanger sur ses idées et opinions librement avec d’autres et de débattre de grands enjeux politiques et culturels de notre époque.  

Malheureusement, pour des raisons que la plupart d’entre nous connaissent désormais, les plateformes sociales sont rarement à la hauteur de ces nobles idéaux. Une nouvelle étude de CIRA montre que même si les Canadien·ne·s continuent d’utiliser abondamment les plateformes sociales (48 % d’entre nous déclarent qu’il s’agit de l’une des cinq principales façons dont nous passons du temps en ligne), nous savons que les réseaux sociaux sont truffés de harcèlement et de toxicité. Nous ne savons pas encore si les réseaux sociaux sont vraiment la place publique que les Canadien·ne·s visitent pour former l’opinion publique sur la politique et d’autres événements d’actualité.  

Facebook domine toujours l’espace des réseaux sociaux au Canada, 68 % des répondant·e·s au sondage déclarant l’utiliser. Trente-quatre pour cent des Canadien·ne·s ont également identifié Facebook comme l’une des nombreuses méthodes habituellement utilisées pour accéder aux nouvelles en ligne. Cependant, c’est encore beaucoup moins que le nombre de personnes qui déclarent qu’elles utilisent Google pour rechercher des actualités (48 %) et le nombre de personnes qui visitent des sites d’actualités ou de médias précis pour obtenir leur dose d’actualités (47 %). Seulement 15 % des Canadien·ne·s considèrent Twitter comme la principale source d’information sur l’actualité. 

L’une des questions portait sur la façon dont les personnes interrogées accédaient le plus souvent aux nouvelles en ligne et la plus grande part des Canadien·ne·s (30 %) ont déclaré se fier à des sites de nouvelles et de médias précis. Bien que cette méthode d’approvisionnement en actualités en ligne représente la plus grande part du Dossier documentaire 2023, elle a chuté de 11 points de pourcentage depuis 2019, lorsque 41 % des personnes interrogées ont déclaré que c’était leur méthode de prédilection. Les recherches sur Google concernant les événements d’actualité (19 %) et sur Facebook (14 %) se classent aux deuxième et troisième rangs comme moyens les plus fréquemment utilisés par les Canadien·ne·s pour accéder aux nouvelles en ligne.  

Revenons un instant à l’idée de la place publique des réseaux sociaux. Les données montrent que les Canadien·ne·s accordent encore de l’importance aux sources d’actualités traditionnelles et ont tendance à les choisir plutôt que les plateformes de réseaux sociaux pour obtenir des renseignements à jour sur ce qui se passe dans le monde. Qu’en est-il de ce forum public utopique de débat défendu par les personnes de la Silicon Valley? Existe-t-il des preuves suggérant que les Canadien·ne·s affluent vers Twitter et d’autres plateformes sociales pour participer à des débats publics sur les sujets politiques et sociaux qui les passionnent?   

Si certaines personnes utilisent les plateformes sociales à cette fin, elles représentent une petite minorité. Environ un·e Canadien·ne sur six (17 %) déclare utiliser les réseaux sociaux ou les applications de messagerie pour se renseigner (16 %) sur des mouvements ou des réseaux politiques ou les soutenir (6 %).  

L’une des raisons possibles de la réticence des Canadien·ne·s à dialoguer avec leurs concitoyen·ne·s sur les réseaux sociaux est leur inquiétude quant au type de traitement que ces personnes pourraient recevoir de leur part. Près du tiers (31 %) des Canadien·ne·s déclarent avoir hésité à utiliser les réseaux sociaux ou à prendre part à une discussion en ligne par crainte de harcèlement en ligne. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’être réticentes à l’égard de ce type de participation.   

En ce qui concerne les réseaux sociaux, les données actuelles montrent que les Canadien·ne·s demeurent ambivalent·e·s. Alors que bon nombre d’entre nous se tournent vers Facebook, Twitter et d’autres applications de réseaux sociaux comme un moyen de se tenir au courant de l’actualité, le paysage de l’information et de l’engagement en ligne demeure fracturé. À partir de maintenant, cela signifie qu’il n’y a pas une seule plateforme sociale qui puisse prétendre être notre place publique numérique de facto.  

À propos de l’auteur
Georgia Evans

Georgia est une analyste des politiques et de la représentation pour son deuxième stage coopératif à CIRA. Elle est une étudiante de quatrième année de l’Université Carleton qui poursuit des études en affaires publiques et en gestion des politiques. Elle est très passionnée par la gouvernance d’Internet et la politique numérique.

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