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Il est temps d’agir : la communauté technique doit s’engager à soutenir le partenariat multi-parties

Cet article a été initialement publié dans CircleID le 22 avril 2024
Par Byron Holland
Président et chef de la direction

Au cours des deux prochaines années, plusieurs dialogues mondiaux sur notre avenir numérique commun auront lieu, et de grands changements pourraient être à l’ordre du jour.

Lors d’une série de négociations intensives, les États membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) se prononceront sur l’avenir de la coopération numérique, et le partenariat multi-parties se retrouve sous les feux de la rampe. Le modèle multi-parties permet à tous ceux qui ont un intérêt dans l’Internet de s’engager de manière significative dans les discussions et les décisions concernant son avenir sur un pied d’égalité, mais un certain nombre de critiques appellent au changement.

Il semble peu probable que les États membres des Nations unies investissent du temps et de l’énergie dans des processus majeurs et pluriannuels pour simplement entériner le statu quo. Depuis des années, un consensus se dégage sur la nécessité d’un changement pour gérer efficacement l’Internet et son infrastructure jusqu’en 2030 et au-delà. Alors que le monde s’adapte à des réalités géopolitiques et technologiques en constante évolution, l’amélioration et le renforcement du partenariat multi-parties devront être un élément clé de cette transformation.

Cependant, tous les États membres des Nations unies ne partagent pas ce point de vue. Certaines propositions avancées dans le cadre des Nations unies affaibliraient le modèle multi-parties et renforceraient l’influence multilatérale sur notre avenir numérique.

Nous nous trouvons à un moment critique. En ce moment, les gouvernements ont leurs doigts sur un curseur entre le partenariat multi-parties d’un côté et le multilatéralisme de l’autre. Si la communauté technique ne s’engage pas rapidement, nous pourrions nous retrouver avec un rôle réduit dans la gouvernance mondiale de l’Internet. Le moment est venu de s’impliquer.

Depuis des décennies, les ressources essentielles de l’Internet, telles que les noms de domaine, sont régies par le modèle multi-parties de la gouvernance de l’Internet au sein de forums tels que l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers).

Cette approche a été officialisée en 2005 lors du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), un processus qui a également donné lieu à la création du Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI). D’ici à 2025, les Nations unies reprennent le SMSI avec l’examen du SMSI+20.

En 2025, les États membres des Nations unies se réuniront pour évaluer l’impact des résultats initiaux du SMSI et décideront si le mandat du FGI sera renouvelé.

Mais avant cela, la communauté technique de l’Internet doit s’engager dans un processus clé.

En septembre, les États membres de l’ONU se réuniront à New York lors d’un « Sommet du futur » pour approuver un accord intergouvernemental appelé Pacte pour le futur. Dirigé par le secrétaire général des Nations unies, le pacte pour l’avenir a une large portée et vise à revigorer la coopération multilatérale pour un « avenir meilleur ».

Dans le cadre de cette initiative, le bureau de l’envoyé du secrétaire général des Nations unies pour la technologie supervise l’élaboration d’un Pacte mondial pour le numérique (PMN) – dirigé par les cofacilitateurs·trices, les représentants·tes permanents·es de la Zambie et de la Suède – qui sera annexé au Pacte pour l’avenir.

Selon les termes de l’ONU, le PMN « définira des principes communs pour un avenir numérique ouvert, libre et sûr pour tous ». Le PMN, qui sera également approuvé lors du Sommet de l’avenir, encadrera la compréhension qu’ont les États membres de l’ONU de la coopération numérique mondiale à l’avenir.

Toutefois, la traversée du processus de l’ONU n’est pas pour les âmes sensibles. Il y a beaucoup de pièces en mouvement et les processus sont opaques.

Après une série de consultations qui ont duré des années, les États membres ont participé en février à deux consultations informelles à l’ONU pour discuter de la forme que devrait prendre le PMN. Si les parties prenantes externes, dont la CIRA, ont eu l’occasion de partager leurs points de vue lors de deux consultations virtuelles organisées par les Nations unies en février et mars, toutes les parties prenantes n’ont pas eu la possibilité de s’exprimer.

Ce qu’il faut retenir, c’est que le PMN aura des répercussions sur l’examen du SMSI+20 et que les négociations sur son contenu se déroulent en ce moment même.

Les cofacilitateurs·trices ont présenté le projet zéro du PMN au début du mois d’avril (la première mouture du produit final) et, à première vue, il y a de quoi se réjouir. Il reconnaît à la fois la communauté technique et le partenariat multi-parties. Mais en creusant un peu, on s’aperçoit que certaines de ses dispositions pourraient marquer le début d’une tendance inquiétante. Par exemple, le projet met l’accent sur la « coopération » multi-parties plutôt que sur la « gouvernance ». Cela peut sembler une nuance mineure, mais le terme « coopération multi-parties » n’a que peu ou pas d’antécédents historiques et suggère un rôle plus faible des parties non gouvernementaux dans la prise de décision.

Le moment est venu pour la communauté technique de faire entendre sa voix. Même si vous avez manqué les consultations des parties prenantes en février et mars, il est encore temps de faire part de votre point de vue à votre ministère des affaires étrangères afin de contribuer à l’élaboration du texte du PMN. Une autre consultation des parties prenantes, annoncée récemment, aura lieu le 24 avril. Mais le PMN est un processus multilatéral qui nécessitera des négociations avec chacun des États membres de l’ONU. La collaboration avec votre ministère des affaires étrangères est donc le meilleur moyen d’en influencer le résultat.

Outre l’engagement des Nations unies et des gouvernements, il existe des possibilités de s’engager en faveur d’un partenariat multi-parties renforcé en dehors des processus formels des Nations unies, dans le cadre d’événements multi-parties marquants tels que Netmundial+10 et l’événement de haut niveau du SMSI+20. La CIRA a également travaillé avec d’autres opérateurs techniques tels que l’auDA, InternetNZ et Nominet pour établir une coalition de la communauté technique afin d’aider à stimuler l’engagement dans ces processus.

Parallèlement à un langage qui met en avant la gouvernance multi-parties, les opérateurs techniques devraient plaider pour que le PMN maintienne et renforce les structures existantes, telles que le Forum sur la gouvernance de l’Internet, et contrer les propositions alternatives qui centreraient les gouvernements dans la coopération numérique mondiale au détriment de la communauté technique et d’autres groupes d’parties.

Par exemple, le projet zéro du PMN introduit un large éventail d’entités multilatérales chargées de suivre et d’examiner les engagements du PMN, telles qu’un « examen de haut niveau du Pacte mondial pour le numérique ». De tels organismes pourraient réduire le potentiel des forums multipartites existants, dotés d’une mémoire institutionnelle et d’un soutien des parties prenantes, comme le FGI, à jouer un rôle clé dans la mise en œuvre.

Si des propositions qui sapent le partenariat multi-parties et le multilatéralisme central sont adoptées dans la version finale du Pacte mondial pour le numérique et dans les processus ultérieurs, nous pourrions un jour nous retrouver avec une influence réduite sur les décisions cruciales concernant l’avenir de l’Internet. Cela signifierait que les voix de ceux et celles qui jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement quotidien de l’Internet auraient moins de poids dans les discussions sur la manière dont l’Internet peut et doit fonctionner.

Pour être clair, il en va de même pour les autres groupes de parties prenantes qui constituent le modèle multi-parties aux côtés des gouvernements : la société civile, le monde universitaire et le secteur privé.

Heureusement, il est encore temps d’influencer ces processus. En tant que communauté, nous devons tous faire notre part pour demander que les contributions de tous les groupes de parties prenantes soient prises en compte dans les résultats du PMN et des processus connexes de l’ONU. À mon avis, c’est la seule véritable façon de gérer l’énorme potentiel de l’Internet.

À propos de l’auteur
Byron Holland

Byron Holland (MBA, ICD.D) est président et chef de la direction de CIRA, l’organisme national à but non lucratif mieux connu pour sa gestion du domaine .CA et pour l’élaboration de nouveaux services de cybersécurité, de registre et de DNS.

Byron est un expert de la gouvernance de l’Internet et un entrepreneur aguerri. Sous l’égide de Byron, CIRA est devenue un des principaux ccTLD au monde en gérant plus de 3 millions de domaines. Au cours de la dernière décennie, il a représenté CIRA à l’échelle internationale et occupé de nombreux postes de dirigeant au sein de l’ICANN. Il siège présentement sur le conseil d’administration de TORIX en plus d’être membre du comité des mises en candidature de l’ARIN. Il habite à Ottawa en compagnie de son épouse, de leurs deux fils et de Marley, leur berger australien.

Les opinions partagées sur ce blogue sont celles de Byron sur des enjeux qui touchent l’Internet et ne représentent pas nécessairement celles de l’entreprise.

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