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  • État de l'internet

L’occasion s’offre à nous d’améliorer Internet

Par Byron Holland
Président et chef de la direction

Au départ, ce blogue s’intitulait « La semaine n’a pas été bonne pour Internet » (l’expression « pas été bonne » est un euphémisme dans ce cas-ci). Il semble qu’Internet essuie des attaques de toutes parts, mais je crois que des jours meilleurs nous attendent, car il y a une chose sur laquelle pratiquement tout le monde est d’accord : Internet est essentiel à notre avenir en tant que société.

Nous vivons un moment charnière palpitant en ce qui a trait à Internet au Canada. D’une part, la pandémie a démontré que notre société est incapable de fonctionner sans le Net, puisqu’on en a besoin pour tout, du lancement d’une entreprise jusqu’à l’éducation de nos enfants. Nous avons tous pris conscience au cours des 15 derniers mois qu’Internet n’est plus un luxe. D’autre part, les plates-formes importantes à l’échelle mondiale, telles que Facebook et Google, ont démontré que leurs valeurs ne s’harmonisent pas toujours avec celles d’une démocratie efficace. Alors que cela peut ressembler à une attaque sur ces entreprises, je crois qu’il est juste de se demander ce qu’est le rôle des plates-formes privées à but lucratif dans le discours d’une démocratie saine. De même, quel devrait être le rôle des grandes sociétés de télécommunications dans la stratégie du gouvernement qui consiste à brancher tous les Canadiens à un réseau Internet de qualité?

Internet est une technologie unique qui est apparue comme un bien commun – un canal principalement réservé aux chercheurs et aux universitaires – pour évoluer jusqu’à devenir la plate-forme de communication la plus importante dans l’histoire de l’humanité. Son évolution a été si rapide, que nous sommes difficilement parvenus à la suivre.

Nous avons assisté la semaine dernière à une situation particulièrement difficile, Internet ayant subi quelques coups durs. Premièrement, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel, dirigé par TekSavvy, dans la cause demandant le blocage du site Web de GoldTV. L’ACEI est intervenue dans cette cause et a fait valoir que le blocage par les FSI constituait un remède disproportionné aux allégations de violation du droit d’auteur dans la cause de GoldTV. Bien qu’il soit important de souligner que la Cour n’a pas permis aux FSI de bloquer des sites de leur propre chef, il est préoccupant que le blocage d’un site Web sans surveillance judiciaire soit maintenant devenu un précédent sur le plan juridique.

Cette décision remet en question tous les fondements techniques d’Internet et son interaction avec notre système juridique. Nous devons évidemment renforcer nos lois, incluant des aspects, comme le droit d’auteur, mais nous devons assurer un équilibre entre l’application et le risque de préjudices pour le fonctionnement technique d’Internet. Si un lieu devient le théâtre d’activités criminelles, devons-nous détruire les routes qui y conduisent et lui retirer son adresse ou placer sous les verrous les criminels qui s’y trouvent?

Ce n’était cependant pas la fin de cette semaine de remous dans Internet. Le CRTC a infligé une autre défaite à Internet en revenant sur une décision de 2019 de réduire les tarifs de gros d’Internet. Ces tarifs, qui avaient été abaissés par une décision antérieure du CRTC, étaient essentiels pour certains FSI de moindre importance qui achètent l’accès aux grands réseaux de FSI nationaux. Alors que ces petits fournisseurs moins importants affirment maintenant qu’ils pourraient être contraints de réduire leurs investissements et d’augmenter leurs prix, les grandes entreprises promettent d’investir davantage dans les réseaux pour combler l’écart au niveau d’Internet. En quoi consiste le rôle du gouvernement lorsqu’il s’agit d’encourager la concurrence sur Internet et, si nous considérons qu’il s’agit d’un bien public, quel est celui-ci des grands FSI lorsqu’il s’agit de rendre Internet plus abordable?

Il est heureux que nous ayons appris cette mauvaise nouvelle la même semaine où l’ACEI a publié son rapport intitulé Attitudes des Canadiens sur les enjeux relatifs à l’Internet. Bien que ce rapport comporte de nombreux points intéressants (et vous devriez vraiment le lire du début à la fin), j’ai surtout été frappé de constater à quel point les Canadiens sont divisés lorsque l’on parle des nombreux enjeux liés à la politique numérique, alors qu’ils s’entendent souvent sur le problème, mais non sur la solution.

Par exemple, alors que les Canadiens sont en faveur de la mise en place d’une nouvelle loi exigeant que les plates-formes des réseaux sociaux suppriment tout contenu illégal ou préjudiciable dans les 24 heures suivant leur signalement (79 %), un grand nombre d’entre eux (62 %) craint que cela n’entraîne la suppression de discours légitimes et licites. De même, 59 % des Canadiens appuient l’action gouvernementale visant à stimuler la création de contenu canadien. Cependant, la solution que le public préfère consiste à remettre les revenus de la TPS/TVH à des créateurs canadiens, ce qui ne ressemble en rien à l’actuel plan que propose le gouvernement en vertu du projet de loi C-10.

Alors que les Canadiens souhaitent généralement qu’Internet reflète leurs valeurs, et qu’ils se rendent compte qu’il est devenu indispensable dans leur vie, nous constatons qu’ils craignent que l’on ne recoure au XXIe siècle aux mêmes tactiques que celles utilisées pour résoudre les problèmes du XXe siècle. Pouvons-nous espérer de manière réaliste qu’on applique à Internet les règles créées pour la radio, le téléphone conventionnel et les presses à imprimer sans modifier en profondeur ce qui le rend si exceptionnel à la base?

Il y a là une occasion à saisir : si l’époque d’un Internet sauvage est révolue, nous sommes capables de créer quelque chose de nouveau, qui reflète nos valeurs sans toutefois porter atteinte à l’esprit d’un Internet ouvert. Nous pouvons reformuler les règles d’Internet pour favoriser la créativité et la concurrence tout en reconnaissant la place qu’il occupe en tant que bien public qui doit être compatible avec une démocratie en pleine croissance.

L’ACEI est le porte-parole de cette évolution et nous encourageons tous ceux qui aiment Internet autant que nous à contribuer à faire partie de ce processus.

 

 

 

 

À propos de l’auteur
Byron Holland

Byron Holland (MBA, ICD.D) est président et chef de la direction de CIRA, l’organisme national à but non lucratif mieux connu pour sa gestion du domaine .CA et pour l’élaboration de nouveaux services de cybersécurité, de registre et de DNS.

Byron est un expert de la gouvernance de l’Internet et un entrepreneur aguerri. Sous l’égide de Byron, CIRA est devenue un des principaux ccTLD au monde en gérant plus de 3 millions de domaines. Au cours de la dernière décennie, il a représenté CIRA à l’échelle internationale et occupé de nombreux postes de dirigeant au sein de l’ICANN. Il siège présentement sur le conseil d’administration de TORIX en plus d’être membre du comité des mises en candidature de l’ARIN. Il habite à Ottawa en compagnie de son épouse, de leurs deux fils et de Marley, leur berger australien.

Les opinions partagées sur ce blogue sont celles de Byron sur des enjeux qui touchent l’Internet et ne représentent pas nécessairement celles de l’entreprise.

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